lundi 29 juin 2009

Aigrefin




Bernard Madoff est une énigme extraordinaire de la nature humaine.
Il a bien réussi dans sa vie sociale, il était le patron à un moment du Nasdaq. Il était à l’abri du besoin. Pourtant en parallèle, il a délibérément escroqué, en pleine connaissance de cause et de conséquence, la totalité de l’argent qui lui a été remis pour placement pendant 30 ans, soit 13 Milliards de dollars.
Il n’a pas le profil de l’aigrefin, il n’a même pas l’excuse de s’être laissé emporter par une tourmente qui lui aurait échappé : il a reconnu ne jamais avoir placé même le premier dollar de ce qui lui a été confié.

Le principe de la fraude est on ne peut plus simple : il suffit de ne rien faire avec l’argent remis. Rien.

Vous recevez 100 pour placement ?
De ces 100, vous repayez 12 en intérêt à la fin de la première année, 12 également la deuxième année, et ainsi de suite, aussi régulièrement qu’un coucou suisse.
Pour faire plus réaliste, en fait, vous payez 12,03 , puis 11,95, puis 12,33, des chiffres trop ronds étant évidemment suspects.
Toute l’idée, c’est qu’avant d’avoir épuisé les 100 initialement reçus, ce qui va prendre 7 ans à peu près (84 des 100, car les 16 derniers sont utilisés pour acheter à titre personnel un yacht et des appartements) d’autres personnes vous apportent à leur tour leur argent, attirées comme des lucioles par la régularité d’un tel professionnel de la finance.
Noter qu'il existe une rentabilité complémentaire de 5 dans ce dispositif, car les 100 de départ sont en fait confiés à une vraie banque, qui va les placer pour de vrai, et ce qui va payer un rendement supplémentaire de 5. Madoff vivait grassement sur les 16 + 5.


Pour que le système fonctionne, il faut qu’il s’accélère, car à un moment les premiers entrants demandent à se faire rembourser leur placement, ce qui doit nécessairement être fait avec le capital de nouveaux entrants, puisque le capital initial a été consommé en intérêts annuels. Ce faisant d’ailleurs les premiers bénéficiaires du système ne sont pas lésés, au contraire, ils sont même les complices (involontaires ?) du fraudeur. Ils ont touché 12% d’intérêt pendant disons 10 ans, ce qui est extraordinaire, et leur capital de 100 leur a été remboursé au final. Il ont donc reçu 220 pour les 100 initiaux.
D’où aussi un besoin en cash qui croît de manière géométrique. Comme le système est en déséquilibre de plus en plus aggravé, c’est une fuite en avant qui ne peut que se finir que comme une catastrophe.


Une telle pyramide est-elle réalisable ne France ? A priori non, sauf complicités massives.
Le système américain a ceci de particulier que le receveur des fonds peut également être l’émetteur du relevé qui vous informe du placement des fonds reçus.
Madoff imprimait physiquement les relevés de portefeuille de ses clients à l’étage au dessus de celui où il les recevait.
En Europe, il y a une séparation juridique (étanche ?) entre le receveur des fonds et l’émetteur du relevé.


Mais que lui est-il passé par la tête ?
Et comment a-t-il vécu toutes ces années de tromperie ?

2 commentaires:

  1. A mon avis, il ne lui est rien passé par la tête et c'est bien ça le problème ! Mais peut-être est-il tout simplement la forme limite que peut prendre l'enfant d'un pays, d'une civilisation où la réputation d'un homme peut se faire sur le seul argent qu'il gagne. Celle qu'admire notre petit Nicolas... capable de dire qu'un homme de 40 ans qui ne peut se payer une Rolleix n'a pas réussi.

    Le "Thou shalt not steal..." initial s'est peu à peu transformé en "In money we trust".

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  2. Madoff vient d'être condamné à 150 ans de prison.

    Mais comme sa famille n'a pas été soupçonnée, puisqu'il a plaidé coupable ce qui arrête les investigations complémentaires et interrompt la recherche de complicités, il lui reste probablement suffisament d'argent pour améliorer l'ordinaire carcéral.

    J'ai lu quelque chose d'amusant à propos de la façon dont Madoff se rémunérait dans la fraude : Il limitait son enrichissement personnel au montant de commissions qu'il aurait touchées, comme intermédiaire, dans le cas où il aurait vraiment plaçé l'argent.
    Et cerise sur le gâteau : ses "commissions" étaient moins élevées que ce qui se pratique d'habitude à New York.
    Ce qui d'ailleurs aurait dû être un facteur de soupçon supplémentaire pour la clientèle, puisque dans certains cas, ses commissions étaient moins élevées que le simple coût qui aurait été facturé par le marché Nasdaq ou Nyse, si les transactions leur avaient véritablement été transmises.

    Je suis sûr que ce gars avait trouvé ce moyen délirant pour "moraliser" son comportement à ses propres yeux.

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