dimanche 15 juin 2014

Crocodiles

Curieux hasard du programme télé, le match Italie Angleterre de ce samedi minuit ma laissé fatigué et captif devant l'écran.
Je suis tombé sur un premier programme étonnant proposant une découverte de l'Okavongo, cours d'eau d'Afrique australe. Les explorateurs se proposaient d'aller à la rencontre des plus grands sauriens existant encore aujourd'hui. Une confrontation animale, instinctive, utilisant la partie la plus ancestrale de notre cerveau, contenant un ressort vital essentiel : notre cerveau reptilien. Seul compte ici le face à face entre deux êtres organiques. Il s'agit de plonger à la rencontre de crocodiles de 4 à 5 m de long, pour filmer l'animal dans son élément, dans la limpidité vert-jaune du fleuve, et de trouver l'antre secrète de ces animaux qui se cachent dans l'obscurité des racines de papyrus. La prise de vue est unique, le courage confine à l'inconscience car nul ne connaît à l'avance la réaction de ces animaux d'un autre temps, plus pourchassés que vraiment compris.
Un deuxième reportage consistait à faire l'éclairage sur l'ensemble des techniques de défonce utilisées de nos jours par notre espèce. L'ensemble de l'offre planétaire est ainsi exhibée avec précision. L'histoire, la formule et le coût de chaque produit sont rappelées avec bien sûr ses effets neurologiques voire organiques, sa préparation artisanale éventuelle, sa forme galénique ainsi que les conditions de prise. Substances en tout genres parmi lesquelles la drogue la plus basse, la plus délétère du moment. Un dérivé de la codéine facile à fabriquer de façon artisanale dans certains milieux désespérés et urbains de Sibérie et des pays de l'Est. La scène se passait dans une barre d'immeubles délabrés de la sous-banlieue de St Petersbourg. Si l'enfer existe sur Terre, il existe dans ce genre de squats sordides où des jeunes s'injectent cette désomorphine qui leur fait pourrir immédiatement le cerveau et le corps. Cette saleté qui ne mérite pas même le nom de drogue dure s'appelle krokodil pour les ravages qu'elle inflige à court terme. La mort survient moins de deux ans après la première injection. Les images correspondantes sont absolument insoutenables et incommentables sauf à se repaître du délabrement de ces pauvres junkies réduits très rapidement à des morts vivant leur courte vie terrestre.
Télescopage télévisuel sans doute mais question posée à notre espèce : peut-on laisser ainsi des semblables s'injecter une mort certaine ? Le risque qui consiste à se confronter aux habitants de l'ère secondaire de notre planète est bien sûr bien plus noble et chargé de sens. Mais pourquoi risquer de se faire dévorer ? Comment peut-on aussi, en connaissance de cause, s'injecter une gangrène digne des tranchées de 14 ?